Depuis la publication de plusieurs papiers de paléo-génétique, tous les préhistoriens sont au courant de l'importance de la séquence: Yamnayas, Cordés et Campaniformes dans un bouleversement ethnique, social et culturel de l'Europe du 3ème millénaire av. JC. Bien qu'il n'y ait aucun doute que ce millénaire a été le théâtre de mouvements de population, il n'y a pas de consensus sur l'échelle, la taille, l'étendue, les directions et la vitesse des événements.

Volker Heyd vient de publier un papier intitulé: Yamnaya, Corded Wares, and Bell Beakers on the move. Son papier a pour but de confronter les dernières découvertes archéologiques et génétiques, mettre en évidence la géographie, les transmissions régionales et le rôle important des frontières, évaluer les déclencheurs potentiels, les mécanismes et les idéologies, et évaluer le rôle global de la migration et de la mobilité:

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La formation du complexe Yamnaya (si on exclut les précurseurs de la culture Repin) arrive rapidement à la fin du 4ème millénaire av. JC. dans la steppe Ponto-Caspienne. Au même moment des kourganes apparaissent également dans la plaine située au nord-ouest de la Mer Noire et forment le groupe Budzhak. Ils s'étendent au nord jusqu'à la steppe boisée notamment sur les sites de Yampil et Chernivtsi en Ukraine. A partir de cette première expansion, les Yamnayas s'étendent à l'ouest de la Mer Noire en Europe du sud-est: Roumanie, Bulgarie, Hongrie et Serbie. Un possible déclenchement de ces mouvements de population est un modèle socio-économique basé sur l'introduction d'innovations technologiques comme la roue et le chariot pour lutter contre les changement climatiques et écologiques qui a vu la diminution des précipitations et l'augmentation de l'aridité de la steppe. Cette période voit également la diffusion de la culture des Amphores Globulaires en Europe.

Les publications de paléo-génétique ont mis en évidence un paradoxe. Alors que les individus de la culture Cordée montrent une forte proportion d'ascendance des steppes typique des Yamnayas, seuls un très petit nombre d'hommes possède l'haplogroupe du chromosome Y typique des Yamnayas: R1b-Z2103. La plupart sont en effet de l'haplogroupe R1a et quelques uns de l'haplogroupe R1b-M269. Ce résultat suggère que la très grande majorité des Cordés ne sont pas les descendants des Yamnayas, mais d'autres populations des steppes. La distinction se retrouve également dans les vestiges archéologiques. Si certaines caractéristiques sont communes à ces deux cultures comme les tumulus, l'importance de l'individu, l'orientation est-ouest, d'autres diffèrent comme la différentiation des genres, le mobilier funéraire et la présence d'armes dans les tombes. Par exemple, les Cordés n'ont pas la mode des anneaux de cheveux en argent si fréquente dans les sépultures Yamnayas.

L'origine de la culture Cordée se trouve probablement dans d'autres groupes des steppes situés plus au nord dans la steppe boisée. Le choix de cette région est justifié au regard des éléments de parure comme les boutons en os, les disques en os ou en coquillage et les colliers de dents perforées. Ce choix est également justifié par la présence d'une faible proportion d'ascendance des premiers fermiers du Néolithique dans les individus de la culture Cordée. Seule la steppe boisée située à l'est des Carpates connaît la présence d'habitats de fermiers à cette période.

A la fin du 4ème millénaire av. JC. cette région est peuplée par plusieurs groupes des steppes dénommés: Nizhne-Mikhailovka, post-Stog ou post-Stog Final. Parmi ces groupes, celui de Zhivotilovka-Volchansk se démarque par des sépultures individuelles dans lesquelles les corps sont disposés sur le côté gauche ou droit avec les mains situées devant le visage. D'autres caractéristiques comme la forme de la fosse funéraire, l'orientation des corps, l'utilisation de l'ocre et le mobilier archéologique renvoie vers la culture Cordée. Cet horizon culturel pourrait bien être le lien manquant à l'origine de la culture Cordée. L'arrivée de la culture des Amphores Globulaires dans la région aurait pu déclencher des réactions dans la populations des steppes qui ont pu mener à l'émergence de la culture Cordée:

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On retrouve ainsi des sépultures précoces de la culture Cordée en Pologne, dans la région Baltique et en Europe Centrale dans le bassin de l'Elbe entre Danemark et Bohème. Cette dernière région a fait récemment l'objet d'une étude de paléo-génétique qui a montré la présence de différents haplogroupes du chromosome Y: R1a, R1b-M269, Q1b et I2a dans le Cordé Ancien. Cette région pourrait être un point central d'origine pour la diffusion de la culture Cordée en Europe.

En résumé la propagation des steppes vers la culture Cordée entre la zone Dniester/Dniepr et le Rhin, a duré seulement 150 ans entre 3050 et 2900 av. JC., soit 5 à 6 générations. Durant cette période, les gens se sont adaptés à un environnement complètement nouveau. Par comparaison les fermiers du Néolithique ont mis 1000 ans pour parcourir la même distance.

Le Rhin forme la frontière entre l'Europe Occidentale et l'Europe Centrale. Le fleuve forme également les limites occidentales de la culture Cordée. La culture Campaniforme est clairement un mélange entre des traditions occidentales et orientales. L'origine du gobelet maritime est occidentale alors que l'origine du gobelet AOC ou AOO est orientale conduisant à différentes théories sur l'origine du phénomène Campaniforme notamment les modèles Ibérique et Hollandais. Cependant l'origine du Campaniforme aux Pays-Bas pose problème au regard de l'arrivée tardive du gobelet maritime dans la région. Il y a cependant une autre région qui a été négligée jusqu'ici et qui mérite qu'on s'y attarde. C'est la région du Haut Rhin à la frontière de la France, l'Allemagne et la Suisse. Cette région a produit des sépultures Campaniformes anciennes comme Achenheim (2848-2470 av. JC) et Hégenheim (2832–2476 av. JC) en Alsace. Une troisième sépulture d'Alsace récemment découverte à Kolbsheim pas encore datée est celle d'une femme âgée de plus de 40 ans accompagnée par 6 perles d'ambres et un gobelet maritime CZM (cord-zoned maritim). Des gobelets maritimes ont également été découverts en Suisse: Allschwil, Sandweg, Friedhof, Hochdorf-Baldegg et Sutz-Lattrigen. Enfin un autre site Campaniforme en Allemagne à Marktbergel, est daté 40 ans plus ancien que les sépultures d'Achenheim et Hégenheim. Il a produit des gobelets CZM et AOC:

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On peut également ajouter l'importance du bassin moyen du Rhin et son affluent la Moselle, ainsi que le nord-est de la France. Ainsi les sépultures Campaniformes de Blignicourt dans l'Aube et Ciry-Salsogne dans l'Aisne ont produit des dates précoces: 2857-2488 av. JC et 2574-2452 av. JC respectivement. De plus, la sépulture de Ciry-Salsogne a été analysée génétiquement par Brunel et a produit un homme R1b avec une très forte proportion d'ascendance des steppes.

En résumé la région du Haut Rhin a produit la plus grande collection de gobelets Campaniformes maritimes d'Europe Centrale et des dates radiocarbone très anciennes:

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Cette région a pu jouer le rôle de centre d'origine des diffusions successives du Campaniforme en Europe, à l'instar de la Bohème pour la région Cordée environ 300 ans plus tôt. Le Campaniforme se serait ensuite diffusé vers l'est le long du Danube, mais aussi vers le nord le long du Rhin, et vers le sud le long du Rhône jusqu'au sud de la France et dans la péninsule Ibérique:

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Ce scénario fait émerger la culture Campaniforme de la culture Cordée locale des bords du Rhin aux alentours de 2600 ou 2500 av. JC. Dans le dolmen de Aesch en Suisse, une précédente étude de paléo-génétique a montré qu'un squelette sans affiliation culturelle avait une forte proportion d'ascendance steppique et l'haplogroupe du chromosome Y: R1b-L51. Il est daté entre 2864 et 2501 av. JC. Ce dolmen est important car d'après Harry Fokkens, dans son livre Background to Beakers, il est également associé à la culture Campaniforme. On pourrait ainsi voir sur ce site Suisse un individu représentatif de la transition de la culture Cordée vers la culture Campaniforme.