L'Âge du Fer tient une place importante dans l'histoire de France, car les gaulois sont présentés comme les ancêtres des français. Cet intérêt a conduit à de nombreuses recherches archéologiques décrivant les communautés de l'Âge du Fer à travers leur culture matérielle et leurs pratiques funéraires. Les questions concernant leur origine culturelle et biologique sont toujours très débattues. Ainsi la transition entre l'Âge du Bronze et l'Âge du Fer a été d'abord reliée à une évolution technologique rapide entre les stades Hallstatt B3 et Hallstatt C qui voit l'apparition d'artefacts en fer autour de 800 av. JC. Cependant cette transition précise ne reflète pas toujours la réalité archéologique régionale qui suggère plutôt une transition plus longue vers l'utilisation du fer dans ces sociétés. Des débats concernent également la fin de l'Âge du fer et l'apparition de la culture de la Tène associée à des groupes celtes entre la Bohême et l'Atlantique par les premiers écrits historiques. Certains auteurs proposent l'émergence de cette culture en Europe centrale suivie d'une migration ailleurs en Europe, alors que d'autres auteurs proposent une origine multi-régionale à travers l'évolution d'une mosaïque de complexes culturels, sans migration humaine importante. Selon cette dernière hypothèse, les celtes correspondent à une multitude de peuples de pratiques culturelles différentes.

Claire-Elise Fischer et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Origin and mobility of Iron Age Gaulish groups in present-day France revealed through archaeogenomics. Ils ont séquencé le génome de 145 individus issus de 27 sites archéologiques de l'Âge du Fer en France. Les auteurs ont obtenu des résultats pour 49 échantillons. Ces données ont été ajoutées à des génomes préalablement publiés de l'Âge du Bronze et de l'Âge du Fer en France dans une étude précédente pour obtenir 65 génomes de l'Âge du Fer répartis sur six régions: Alsace (n=20), Champagne (n=5), Normandie (n=3), Nord (n=10), Bassin Parisien (n=9) et Sud (n=18):

2022_Fischer_Figure1A.jpg, mar. 2022

Il y a seulement onze échantillons datés du début de l'Âge du Fer. Ils sont tous d'Alsace. Les autres sont de la fin de cette période et répartis sur plusieurs régions. Parmi ces 65 individus, il y a 33 hommes et 32 femmes. Ces données ont été comparées à d'autres génomes anciens ou contemporains d'Europe. Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales. Tous les gaulois de l'Âge du Fer se répartissent dans la zone de variabilité de la population française contemporaine:

2022_Fischer_Figure1C.jpg, mar. 2022

Les échantillons de l'Âge du Fer de Grande-Bretagne et d'Espagne se superposent également avec les populations actuelles de ces mêmes régions. Tous ces résultats suggèrent une forte continuité génétique en Europe occidentale depuis l'Âge du Fer jusqu'à maintenant. La figure ci-dessus montre également un gradient de la répartition de ces individus de l'Âge du Fer corrélé avec la position latitudinale. Les individus du nord de la France sont situés plus haut, vers les individus de l'Âge du Fer de Grande-Bretagne, alors que ceux du sud de la France sont situés plus bas proche des individus de l'Âge du Fer de la péninsule Ibérique. Ce gradient est lié à la proportion d'ascendance des steppes plus élevée et à la proportion d'ascendance des fermiers du Néolithique plus basse dans les populations du nord que dans celles du sud.

A l'aide du logiciel qpWave, les auteurs ont identifiés six outliers dont trois sont situés dans le sud de la France: BES1248, PECH3 et PEY163, un en Alsace daté du début de l'Âge du Fer: CROI11, un en Alsace daté de la fin de l'Âge du Fer: COL239 et du Bassin Parisien: GDF1341.

La PCA ci-dessus montre également une certaine continuité génétique entre les échantillons de l'Âge du Bronze et ceux de l'Âge du Fer de la même région. Ces résultats sont confirmés par les logiciels qpWave et qpAdm:

2022_Fischer_Figure3.jpg, mar. 2022

Ces résultats indiquent ainsi une absence de flux de gènes important dans les populations de l'Âge du Fer en Gaule. Les marqueurs uniparentaux indiquent cependant une plus grande diversité à l'Âge du Fer qu'à l'Âge du Bronze, notamment sur le chromosome Y avec l'apparition des haplogroupes I1, I2 et G2 à l'Âge du Fer alors que seul l'haplogroupe R1b est présent à l'Âge du Bronze. Cependant ces différences sont peut-être dues au faible nombre d'échantillons obtenus sur ces deux périodes. Les résultats de cette étude suggèrent une transition entre l'Âge du Bronze et l'Âge du Fer basée sur des événements sociaux, politiques et économiques plutôt que par l'arrivée d'une nouvelle population en Europe occidentale. Ils sont en accord avec la réévaluation récemment faite de l'ensemble des données archéologiques obtenues sur cette période.

Ce modèle génomique des populations de l'Âge du Fer en Gaule de faible variabilité à grande échelle contraste avec la forte variabilité culturelle documentée par l'archéologie. Cela suggère un scénario d'échanges culturels et biologiques importants d'une région à l'autre. Ce scénario est conforté par l'existence des six outliers génétiques mis en évidence ci-dessus. La statistique f3 permet d'identifier la possible région d'origine pour chacun de ces outliers:

2022_Fischer_Figure4.jpg, mar. 2022

De manière intéressante, les restes archéologiques ne permettent pas d'identifier ces outliers dans le contexte culturel local. Ceci implique que les individus venus d'une région plus lointaine sont complètement intégrés dans leur culture d'adoption.

Un autre résultat important de cette étude est la plus grande variabilité génétique des individus d'Alsace qui suggère un flux de gènes plus élevé dans cette région qu'ailleurs en Gaule. Cette région est régulièrement caractérisée par un carrefour important d'échanges du à la présence du Rhin qui est un axe majeur de communication à cette époque. Cependant cette diversité génétique ne se traduit pas dans les vestiges archéologiques.

La comparaison des génomes des individus du Nord de la France avec ceux de Grande-Bretagne de l'Âge du Fer suggère également des flux de gènes entre ces deux régions d'Europe. De la même façon la comparaison des génomes des individus du sud de la France avec ceux de la péninsule Ibérique suggère également des flux de gènes entre ces deux régions d'Europe.

L'analyse des longueurs des segments d'homozygotie montre un accroissement de la population de reproduction et donc un accroissements des échanges de ces sociétés de l'Âge du Fer par rapport aux époques précédentes. Seul un individu d'Alsace (COL336) présente des segments très longs suggérant qu'il est le fruit d'une union incestueuse au premier degré.