L'Asie Centrale montre une forte diversité génétique, linguistique et ethnique. Aujourd'hui elle est peuplée par différents groupes appartenant à deux familles linguistiques: les Indo-européens composés par les Tadjiks et les Yaghnobis qui sont traditionnellement des agriculteurs sédentaires, et les Turco-mongoles qui incluent les Ouzbeks, les Turkmènes, les Karakalpaks, les Kazakhs et les Kirghizes qui sont traditionnellement des pasteurs nomades.

Une analyse génétique de ces populations a montré récemment que ces sociétés patrilocales ont favorisé le mouvement des femmes dans la région, tout en renforçant la différentiation linguistique et ethnique des hommes. Les Indo-européens sont plus proches génétiquement des populations de l'ouest de l'Eurasie alors que les Turco-mogoles sont plus proches génétiquement des populations de l'est de l'Eurasie, à l'exception des Turkmènes qui semblent être une population d'origine Indo-européenne qui a changé de langue et de mode de vie récemment.

Perle Guarino-Vignon et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Genetic analysis of a bronze age individual from Ulug-depe (Turkmenistan). Ils ont séquencé le génome de 15 individus issus du site archéologique d'Ulug-depe dans le Turkménistan daté entre le début de l'Âge du Bronze et l'Âge du Fer. Ils ont obtenu des résultats pour un seul individu daté de l'Âge du Bronze Moyen, le seul dont l'ADN a été extrait de l'os pétreux. Il s'agit d'un enfant d'environ 10 mois:

2022_GV_Figure1.jpg, août 2022

Les résultats ont montré que cet enfant était une fille dont l'haplogroupe mitochondrial est HV fréquent dans l'ouest de l'Eurasie.

Les auteurs ont ensuite réalisé une Analyse en Composantes Principales pour comparer ce génome à d'autres génomes anciens ou contemporains. Le génome de la fillette d'Ulug-depe (ULG75) se situe au milieu du cluster BMAC qui regroupe la majorité des génomes des anciens individus de la civilisation de l'Oxus:

2022_GV_Figure2A.jpg, août 2022

L'analyse avec le logiciel ADMIXTURE confirme ce résultat et montre que cet individu est composé essentiellement d'une ascendance issue des fermiers d'Iran avec un peu d'ascendance issue des fermiers d'Anatolie, en accord avec les études précédentes:

2022_GV_Figure2B.jpg, août 2022

Par contre il n'a pas d'ascendance des steppes ou d'Asie du sud comme certains outliers d'Asie Centrale.

Ces résultats sont confirmés par les statistiques f3 et D qui montrent que la fillette d'Ulug-depe est proche génétiquement des habitants de la région du Chalcolithique et de l'Âge du Bronze.

L'analyse avec le logiciel qpAdm montre que cet individu peut être modélisé comme issu d'un mélange génétique entre une population du Chalcolithique de Geoksyur au sud-ouest du Turkménistan (54 à 64%), une population du Chalcolithique de Hajji Firuz (12%) ou de Seh Gabi (19%) les deux sites situés en Iran et une population de la périphérie de la vallée de l'Indus (24%). Il peut être également modélisé comme issu à 100% de la population de l'Âge du Bronze du site de Shahr-i-Shokhta situé en Iran.

Enfin les auteurs ont comparé ce génome avec celui des populations actuelles de la région et montré qu'il y avait une continuité génétique entre le génome de la fillette d'Ulug-depe et les génomes des Indo-Iraniens actuels, notamment les Tadjiks, à condition d'y ajouter des flux de gènes en provenance des steppes de l'ouest mais aussi de l'est.