La Sicile est l'une des principales îles de la Méditerranée. Elle est caractérisée par une variété de vestiges archéologiques, de cultures matérielles et de traditions reflétant l'histoire de son peuplement et des migrations depuis le Paléolithique. Ces dynamiques démographiques et culturelles profondes et complexes ont affecté le paysage génétique de la population Sicilienne à différents niveaux. Cependant l'impact réel de ces différentes migrations reste inconnu.
Alessandra Modi et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Genetic structure and differentiation from early bronze age in the mediterranean island of sicily: Insights from ancient mitochondrial genomes. Ils ont séquencé le génome mitochondrial de 58 anciens individus issus de cinq sites archéologiques de Sicile: Motya (13 de l'Âge du Bronze et 3 Phéniciens), Baucina (31 Sicanes et 3 Grecs), Mokarta (5 de l'Âge du Bronze Final), Lilibeo (1 Phénicien) et Ispica (2 de l'Âge du Bronze):
Les auteurs ont obtenu des résultats pour 43 échantillons. Ils ont gardé ensuite uniquement les génomes pour lesquels la couverture est supérieure à x20 et le niveau de contamination inférieur à 6%, soit 36 anciens génomes: à Motya: 8 de l'Âge du Bronze et 3 Phéniciens, à Baucina: 17 Sicanes et 3 Grecs, à Mokarta: 2 de l'Âge du Bronze, à Lilibeo: 1 Phénicien et à Ispica: 2 de l'Âge du Bronze. Ces données ont été combinées aux autres anciens génomes mitochondriaux de Sicile préalablement publiés dont 27 issus du site de Polizzelo de l'Âge du Fer, et d'autres anciens individus d'Europe et d'Anatolie. Les fréquences des haplogroupes mitochondriaux par site sont illustrées dans la figure suivante:
Parmi les séquences de cette étude, les haplogroupes majoritaires sont T et H qui atteignent 41% chez les Sicanes et 37,5% dans la population de l'Âge du Bronze de Motya. Ces deux haplogroupes sont également fréquents dans la population du début de l'Âge du Bronze de Sicile et dans la population de l'Âge du Fer d'Italie continentale. Les Phéniciens de Sicile appartiennent principalement aux haplogroupes HV et V. La population de l'Âge du Bronze de Motya ne contient aucun haplogroupe HV ou V. On y trouve les haplogroupes H, T, K, I, U5 et L3. Ce dernier haplogroupe fréquent en Afrique du nord-est illustre le lien génétique entre la Sicile et l'Afrique durant l'Âge du Bronze. Les trois Grecs de Baucina appartiennent aux haplogroupes H, V et U3. Les deux individus de l'Âge du Bronze d'Ispica sont de l'haplogroupe X et K.
Les auteurs ont ensuite construit un arbre phylogénétique avec les anciens génomes:
Ils ont également réalisé une Analyse en Composantes Principales afin de mieux comparer les différentes anciennes populations de la Méditerranée entre le début de l'Âge du Bronze et l'Âge du Fer. La figure ci-dessous montre que les anciens Siciliens ont une forte diversité, plus élevée que dans d'autres régions Méditerranéennes:
De manière intéressante les Sicanes de Baucina se positionnent proche des anciens individus de l'Âge du Fer du site de Polizzello, et loin des Grecs du même site de Baucina. Les Phéniciens de Motya sont proches génétiquement des populations de la fin de l'Âge du Bronze du Levant, et les Grecs de Baucina sont proches génétiquement des populations de la fin de l'Âge du Bronze de Grèce. L'analyse des distances génétiques entre groupes confirme ces résultats.
L'étude de la population actuelle de Sicile montre que les fréquences des haplogroupes mitochondriaux sont les suivantes: H (34,4%), T (12,6%), L (12,0%), HV (7,4%) et J (6,3%). L'haplogroupe H est uniformément réparti sur tout le territoire, alors que l'haplogroupe T est absent dans le sud et très rare dans le nord-ouest. La forte incidence de l'haplogroupe L à Palerme (23,5%) s'explique par des migrations récentes venues d'Afrique du nord.
Les auteurs ont ensuite étudié l'origine des Sicanes à l'aide de calculs Bayésiens. Le modèle le plus probable est celui de la continuité génétique avec la population locale du début de l'Âge du Bronze. Il est cependant important de noter que l'on considère dans cette étude le génome mitochondrial qui renseigne uniquement sur l'origine maternelle des Sicanes.
Génomes mitochondriaux anciens en Sicile entre le début de l'Âge du Bronze et l'Âge du Fer
dimanche 18 septembre 2022. Lien permanent ADN ancien