Le début de l'holocène daté de 11.700 ans coïncide avec de meilleures conditions climatiques qui ont impacté la vie des chasseurs-cueilleurs d'Europe. Cette période est caractérisée par des changements significatifs des pratiques socio-culturelles comme le montrent les vestiges d'habitats, les outils technologiques, les moyens de subsistance et les pratiques funéraires qui définissent la transition entre le Paléolithique et le Mésolithique. Les précédentes études de paléo-génétique ont montré que différents groupes génétiquement distincts ont coexisté en Europe durant le Paléolithique. Ainsi en Europe occidentale un groupe ancestral associé à la culture Magdalénienne entre 20.000 et 14.000 ans était prédominant durant le maximum glaciaire. Ce groupe a été remplacé ensuite par le groupe des chasseurs-cueilleurs de l'ouest (WHG) au début de l'holocène, sauf dans la péninsule Ibérique et dans le sud-ouest de la France. Pendant plusieurs millénaires, le groupe des chasseurs-cueilleurs de l'ouest fut le plus commun dans une bonne partie de l'Europe, jusqu'à l'arrivée des premiers fermiers du Néolithique. Dans l'ouest de la France la coexistence des derniers chasseurs-cueilleurs et des premiers fermiers est limitée à quelques siècles entre 6950 et 6750 ans. Il est maintenant clair que les populations de fermiers assimilèrent progressivement les populations de chasseurs-cueilleurs. La façon dont cela s'est déroulé reste encore inconnue, mais des nuances régionales existent dans ce processus.
Les amas coquillers d'Hoedic et de Téviec situés dans le sud de la Bretagne sont parmi les sites Mésolithiques les plus significatifs de France, à cause de leurs nombreuses sépultures. Ils donnent des informations importantes sur la vie et la mort des derniers chasseurs-cueilleurs d'Europe occidentale, jusqu'à l'arrivée des premiers fermiers.
Luciana Simões et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Genomic ancestry and social dynamics of the last hunter-gatherers of Atlantic France. Ils ont séquencé le génome de dix individus de la fin du Mésolithique issus des sites d'Hoedic (n=6) et de Téviec (n=3) dans le nord-ouest de la France et de Champigny (n=1) dans le nord-est de la France:
Les datations radiocarbone obtenues sur ces individus donnent une date qui varie de 7910 et 6760 ans à Hoedic, entre 7425 et 6760 ans à Téviec et entre 8300 et 8015 ans à Champigny. Ainsi dans l'ouest de la France, les derniers chasseurs-cueilleurs ont bien coexisté avec les premiers fermiers.
Les sépultures multiples sont nombreuses à Hoedic et Téviec. Ainsi les trois individus de Téviec analysés dans cette étude appartiennent à la même sépulture. A Hoedic, une sépulture contenait un adulte et un enfant, et une seconde sépulture contenait un adulte et plusieurs enfants.
Les analyses isotopiques du carbone et de l'azote montrent que les chasseurs-cueilleurs d'Hoedic et de Téviec consommaient une forte proportion d'aliments marins comme de gros poissons. Si la proportion d'alimentation marine est très importante à Hoedic, elle est plus équilibrée avec une alimentation terrestre à Téviec. Ces résultats s'expliquent notamment par le fait qu'au Mésolithique, Hoedic était une île alors que Téviec était situé sur le littoral. Ainsi les habitants de ce site avaient aussi accès à une alimentation terrestre:
Les auteurs ont ensuite réalisé une Analyse en Composantes Principales pour comparer le génome de ces individus avec celui d'autres anciens individus d'Europe. Les résultats montrent que la population Mésolithique de France est homogène et similaire aux autres chasseurs-cueilleurs de l'ouest:
Les haplogroupes mitochondriaux et du chromosome Y sont tous respectivement U5 et I2a1, typiques des populations Mésolithiques de l'ouest de l'Europe:
Aucun de ces individus montre la moindre trace d'ascendance des fermiers du Néolithique. La plupart de ces individus ont la peau foncée et les yeux bleus caractéristiques des chasseurs-cueilleurs de l'ouest. Cependant un individu de Hoedic avait la peau un peu plus claire.
Les auteurs ont ensuite analysé les segments d'homozygotie afin d'estimer la taille de la population et le niveau de consanguinité. Le nombre des longs segments est compatible avec une faible taille de la population des chasseurs-cueilleurs des côtes Bretonnes. De manière intéressante, les auteurs n'ont pas trouvé de trace de consanguinité dans cette population. Ainsi ces chasseurs-cueilleurs avaient accès à un large réseau de reproduction au-delà de leur territoire, et devaient échanger des individus d'un groupe à un autre pour leurs unions.
De plus, les auteurs n'ont pas trouvé de relation au premier degré parmi les génomes analysés dans cette étude. A Téviec, les trois génomes sont issus d'individus enterrés dans la même sépulture. Parmi ceux-ci, il y a deux relations au second ou au troisième degré. De manière intéressante, à Hoedic où dans la même sépulture sont enterrés une adulte et une petite fille, ces deux individus n'ont pas de relation familiale identifiée.
Génomes anciens des derniers chasseurs-cueilleurs de France
samedi 2 mars 2024. Lien permanent ADN ancien