Avant l'unification de la péninsule Italienne sous le pouvoir Romain, les habitants de cette région se regroupaient en une variété de populations caractérisées par leur distribution géographique, leur identité culturelle et leur langue. L'Âge du Fer Italien entre le 10ème et le 3ème siècle av. JC. était une période de transformation caractérisée par l'utilisation de nouveaux métaux dans la production d'artefacts, de nouvelles pratiques d'agriculture et d'élevage, des développements linguistiques et culturels, des migrations et des conflits. A la fin de l'Âge du Bronze, différentes ethnicités ont émergé donnant naissance à de nouvelles communautés dont l'identité culturelle et linguistique était bien définie comme les Étrusques, les Latins, les Picènes, et d'autres. Ces entités étaient connectées entre elles et engagées dans des échanges commerciaux et culturels. De plus la présence d'objets non locaux à l'Italie sur les sites archéologiques, suggère que ces populations étaient partie prenante d'un large réseau d'échanges qui incluait le bassin Méditerranéen dans son ensemble et l'Europe.

L'origine génétique de ces différentes populations reste aujourd'hui insaisissable. Seules quelques études de paléo-génomique ont été réalisées sur les populations de l'Âge du Fer de la péninsule Italienne. Ainsi une des populations les moins bien étudiée est celle qui habitait la côte Adriatique au centre de l'Italie actuelle. Cette région était habitée entre le 10ème et le 3ème siècle av. JC. par les Picènes. Ceux-ci étaient divisés en plusieurs groupes partageant un substrat culturel commun. Ainsi Pline l'Ancien racontent que les Picènes étaient apparentés aux Sabins avec lesquels ils se sont séparés lorsqu'ils ont voulu rechercher une nouvelle terre d'habitation. Selon la légende cette migration était lié au rituel du ver sacrum en suivant un animal totémique: le pic vert, picus en latin, d'où le nom des Picènes: le peuple du pic vert. Sans rapport avec cette légende, on suppose que les Picènes descendent simplement de populations de l'Âge du Bronze de la côte Adriatique. Notre connaissance de cette culture vient principalement des vestiges archéologiques retrouvés dans les différentes nécropoles. Ceux-ci montrent que les Picènes étaient connectés aux autres cultures comme celles d'Europe du nord ou de l'est de la Méditerranée. Au début du troisième siècle av. JC., la culture Picène s'efface suite aux expansions Romaines. L'ascension de l'empire Romain s'est traduit par des changements du paysage génétique de Rome, introduisant une forte proportion d'ascendance issue du Proche-Orient.

Francesco Ravasini et ses collègues viennent de publier en pre-print une étude intitulée: The Genomic portrait of the Picene culture: new insights into the Italic Iron Age and the legacy of the Roman expansion in Central Italy. Ils ont séquencé le génome de 102 anciens individus couvrant une période de 1000 ans. Ils ont notamment étudié le génome d'anciens individus des nécropoles Picènes de Novilara (61) et Sirolo-Numana (10) datées entre le 8ème et le 5ème siècle av. JC., de la nécropole Étrusque de Colle di Val d’Elsa à Monteriggioni (10) datée entre les 8ème et 6ème siècles av. JC., ainsi que le site funéraire daté de la fin de l'antiquité de Pesaro (21 entre le 6ème et le 7ème siècle ap. JC.), situé à seulement 7 km de Novilara. Cela permet ainsi de comparer le profil génétique entre les Picéniens et les Étrusques de l'Âge du Fer, et d'étudier une éventuelle évolution du profil génétique des populations de la côte Adriatique du centre de l'Italie entre l'Âge du Fer et la fin de l'antiquité. Suite à un filtrage afin de garder seulement les génomes de bonne qualité, les auteurs ont conservé 54 génomes pour cette étude:

2024_Ravasini_Figure1.png, mar. 2024

Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales afin de comparer ces nouveaux anciens génomes avec ceux préalablement publiés de la région. Les Picènes des deux nécropoles se regroupent ensemble suggérant une origine génétique commune pour leurs différents groupes. Ils sont légèrement décalés vers les populations d'Europe Centrale, par rapport aux populations actuelles Italiennes (en gris):

2024_Ravasini_Figure2A.png, mar. 2024

Ces résultats sont confirmés par l'analyse avec le logiciel ADMIXTURE. Les principales composantes ancestrales des Picéniens sont l'ascendance des fermiers d'Anatolie (en vert) et celle des chasseurs-cueilleurs de l'est ou des Yamnayas (en bleu). Les composantes minoritaires sont celles des chasseurs-cueilleurs de Serbie (en rouge) et du Caucase (en orange):

2024_Ravasini_Figure2B.png, mar. 2024

De plus, la PCA ci-dessus montre que toutes les populations de l'Âge du Fer de la péninsule Italienne étudiées jusqu'ici (Picènes, Étrusques, Romains, Dauniens) forment un groupe génétique homogène, suggérant qu'ils descendent toutes des populations locales de l'Âge du Bronze. Il y a cependant quelques différences, puisque les Picènes sont légèrement décalés vers les populations des Balkans et de l'Europe du Nord. De façon générale on remarque une légère différentiation le long de la deuxième composante entre les populations de la côte Tyrrhénienne et celles de la côte Adriatique. Ces résultats sont confirmés par l'utilisation de la statistique D qui de plus nous montre que les populations de la côte Tyrrhénienne sont plus proches des populations de l'Âge du Bronze de la péninsule Italienne que celles de la côte Adriatique. Ces résultats suggèrent que les populations des deux côtes ont subi des événements démographiques différents après la fin de l'Âge du Bronze. Notamment les anciennes populations de la côte Adriatique possèdent plus d'ascendance issue des chasseurs-cueilleurs de l'est ou des Yamnayas, alors que celles de la côte Tyrrhénienne possèdent plus d'ascendance issue des fermiers d'Anatolie. L'utilisation de la statistique f4 montre que les populations de l'Âge du Fer de la côte Adriatique ont subi un flux de gènes venus de l'autre côté de la mer Adriatique, des Balkans.

La recherche de parenté entre les anciens individus de cette étude n'a pas permis d'identifier des relations au premier ou au second degré. Les auteurs ont ensuite analysé les segments d'homozygotie plus longs que 4 cM. Leur distribution chez les Picènes est équivalente aux autres groupes de l'Âge du Fer d'Italie. Cependant, deux individus de la nécropole de Novilara suggèrent des événements de consanguinité parmi leurs ancêtres proches. Deux autres individus de Novilara (PN103 et PN172) sont décalés vers les anciens individus du Proche-Orient par rapport aux autres anciens individus de la même nécropole. Ils ont notamment une plus forte proportion d'ascendance Iranienne.

Les anciens individus de la nécropole de Pesaro des 6ème et 7ème siècles ap. JC. sont largement décalés vers les individus du Proche-Orient par rapport aux anciens Picènes. On retrouve ainsi la même tendance que pour les anciens individus de la péninsule Italienne datés de l'empire Romain. Ces résultats sont confirmés par l'analyse avec le logiciel ADMIXTURE qui montre que ces individus possèdent une forte proportion d'ascendance Iranienne. Ils sont cependant très hétérogènes car un individu est plus décalé que les autres vers les populations du Proche-Orient et un autre est décalé vers les populations Africaines. Enfin un dernier n'a pas d'ascendance du Proche-Orient mais une forte proportion d'ascendance Yamnaya.