Les populations d'Afrique du sud hébergent aujourd'hui une diversité génétique dont certaines composantes remontent loin dans le passé comme le suggèrent les fossiles d'hommes archaïques qui remontent à environ 260.000 ans et les fossiles d'hommes modernes qui remontent à 120.000 ans. Durant l'Holocène un changement majeur s'est produit dans l'industrie lithique et les pratiques de subsistance en Afrique du sud. Ainsi la diffusion du pastoralisme et de l'agriculture durant ces deux mille dernières années a conduit à des événements de mélanges génétiques répétés visible dans la population actuelle de la région. Ainsi l'arrivée des pasteurs a introduit une composante génétique venue du Levant et d’Afrique du nord-est. Ensuite l'arrivée des fermiers liés à la diffusion des langues bantoues a introduit une composante venue d’Afrique de l'ouest. Ainsi, tous les groupes San et Khoe actuels possèdent au moins 9% de composantes externes à l'Afrique du sud.

Joscha Gretzinger et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: 9,000 years of genetic continuity in southernmost Africa demonstrated at Oakhurst rockshelter. Ils ont analysé le génome de treize anciens individus issus du site archéologique de l'abri sous roche d'Oakhurst situé à la pointe sud de l'Afrique du sud, à sept kilomètres de l'océan. Ce site a été fouillé dans la première moitié du vingtième siècle. Son occupation a duré 12.000 ans. Les datations radiocarbone des treize échantillons analysés s'échelonnent entre 10.000 et 1300 ans. Les génomes obtenus ont été comparés à ceux d'autres anciens individus et des populations contemporaines de la région. Les auteurs ont obtenu des résultats pour neuf de ces treize anciens individus de l'abri d'Oakhurst:

2024_Gretzinger_Figure1a.png, oct. 2024

Les auteurs ont réalisé un arbre à l'aide du logiciel TreeMix. Dans la figure ci-dessous les anciens individus d'Oakhurst sont positionnés à la base de tous les autres anciens hommes modernes, comme les autres populations sud Africaines:

2024_Gretzinger_FigureED1a.png, oct. 2024

Les auteurs ont ensuite effectué une Analyse en Composantes Principales. Dans la figure ci-dessous les échantillons d'Oakhurst sont représentés par des disques jaunes. Les populations contemporaines San et Khoe sont séparées par la deuxième composante, alors que la première composante sépare les populations bantoues (à droite ci-dessous) des populations San et Khoe. Sur le gradient des populations originaire d'Afrique du sud, on distingue trois groupes principaux: les San du nord parlant une langue Kx`a (symboles bleus), les populations parlant une langue Khoe-Kwadi (symboles gris) et les populations parlant le Tuu (symboles violets). Sur cette PCA, huit des anciens individus d'Oakhurst se regroupent avec des chasseurs-cueilleurs de l'Âge de pierre récent (LSA) (symboles triangle orange pointe vers le haut) au milieu du gradient des populations San et Khoe. Le plus vieil individu du site d'Oakhurst (OAK006) est légèrement décalé vers la droite:

2024_Gretzinger_Figure1b.png, oct. 2024

Les auteurs ont effectué une analyse avec le logiciel DYSTRUCT pour identifier les principales composantes génétiques de ces populations. Dans la figure ci-dessous les San et les Khoe ont une composante identique importante en orange qui est maximale chez les anciens chasseurs cueilleurs LSA d'Oakhurst, St. Helena, Faraoskop et Ballito Bay. Les San du nord montrent une composante distincte en bleu qui est maximale chez les Ju|’Hoan et une troisième composante en magenta est maximale chez les populations Tuu:

2024_Gretzinger_FigureED2a.png, oct. 2024

Les populations actuelles San et Khoe sont fortement corrélées génétiquement avec la latitude. Ainsi les San du sud sont les populations les plus proches des anciens individus du site d'Oakhurst. Ces résultats sont confirmés par une analyse des segments IBD. Parmi les anciennes populations d'Afrique, tous les sud Africains sont plus proche génétiquement les uns des autres que d'autres anciens individus d'Afrique. Aucun de ces individus n'a d'affinité génétique avec les autres populations Africaines, même le plus récent daté de 1300 ans, suggérant ainsi que la composante non San est arrivée en Afrique du sud plus récemment que 1300 ans. D'autre part tous les anciens individus d'Oakhurst plus vieux de 4000 ans ainsi que les autres anciens Africains du sud de St. Helena, Faraoskop et Ballito Bay, datés entre 2200 et 1300 ans, sont indistinguable génétiquement. Ensuite les auteurs ont mis en évidence une discontinuité génétique entre 1300 et 400 ans relative à l'arrivée des populations du nord-est de l'Afrique en Afrique du sud. Tous ces résultats suggèrent une très forte continuité génétique entre 10.000 et 1300 ans en Afrique du sud, alors que la population d'Oakhurst ne montre pas de signe d'isolement particulier comme le montre l'analyse des segments hétérozygotes.

Les auteurs ont ensuite investigué les mélanges génétiques récents en Afrique du sud avec les composantes d'Afrique du nord-est et d'Afrique de l'ouest. Pour cela ils ont utilisé le logiciel qpAdm sur des individus contemporains San, Khoe et Bantou ne possédant pas d'ascendance européenne. Ils ont ainsi mis en évidence l'arrivée plus ancienne de la composante d'Afrique du nord-est (1068 ans en moyenne) par rapport à l'arrivée de la composante d'Afrique de l'ouest (808 ans en moyenne chez les populations Bantoues et 578 ans chez les populations San et Khoe). Ce dernier résultat suggère l'arrivée de plusieurs vagues de migration Bantoue en Afrique du sud, ou un flux continu d'arrivée de cette population sur plusieurs siècles:

2024_Gretzinger_Figure4C.png, oct. 2024

D'autre part les auteurs ont mis en évidence un biais sexuel dans ces événements de mélange génétique. Ainsi les populations San, Khoe et Bantoue possèdent plus de composante sud Africaine dans le chromosome X que sur les autosomes suggérant qu'il y a plus de femmes San que d'hommes parmi les ancêtres des populations contemporaines, et donc plus d'hommes que de femmes venus d'Afrique du nord-est ou d'Afrique de l'ouest. Le taux du nombre de femmes San sur le nombre d'hommes San parmi les ancêtres des populations actuelles est estimé à 1,4 pour la population Damara, à 2,28 pour la population Hoan, à 4 pour la population Shua, à 5,2 pour la population Haiom et 2,1 pour la population Bantoue d'Afrique du sud.

Enfin les auteurs ont mis en évidence un récent biais sexuel correspondant à l'arrivée d'homme d'Europe du nord-ouest en Afrique du sud daté en moyenne de 199 ans.