Dusan Boric et Douglas Price ont publié un papier qui montre que le début du néolithique dans les Balkans se traduit par une plus grande mobilité des gens par rapport aux époques précédentes.

L'expansion du néolithique dans les Balkans implique une diffusion à partir des plaines de Thessalie et du nord de la Grèce vers les corridors naturels des vallées des rivières principales, suivant une direction vers le nord ou l'ouest. Les dates radiocarbone montrent que le néolithique n'a pas commencé avant 6500 ou 6400 av. JC. en Thessalie, et qu'il s'est ensuite rapidement diffusé dans le centre et le nord des Balkans vers 6300 ou 6200 av. JC.

Cette étude se focalise sur la mobilité et la migration des gens à partir des mesures des taux isotopiques du strontium de l'émail dentaire d'individus issus de sépultures situées dans les gorges du Danube dans le centre-nord des Balkans.
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Cet endroit est caractérisé par une séquence archéologique continue du mésolithique au néolithique. Le strontium vient des roches érodées, des eaux et sols et entre dans le corps via la chaîne alimentaire. L'émail des dents se forme à la naissance et dans l'enfance. Il ne change plus ensuite durant la vie de l'individu. Il donne ainsi une indication du lieu de naissance de l'individu, et permet donc d'en déduire un éventuel mouvement de la personne.

Il y a près de 300 mesures de datation radiocarbone situées dans la région des gorges du Danube pour les périodes mésolithique et néolithique, dont 83 obtenues directement à partir d'os humain. Les plus anciennes sont datées de 13.500 à 9.300 av. JC. à Cuina Turcului et à la grotte de Climente II. Ensuite, au début de l'holocène, le mésolithique est caractérisé par la consommation de poissons pêchés dans le Danube: carpes, poissons-chat et esturgeons. Les premières sépultures entre 9.500 et 7.400 av. JC. sont retrouvées sur les sites de Vlasac, Padina A et Lepenski Vir. Il y a 14 sépultures actuellement datées durant ces périodes du mésolithique ancien. Les corps sont allongés sur le dos ou assis en position du lotus. Le mésolithique récent est caractérisé par une démographie plus intense et des habitations de longues durées. Les corps sont encore allongés sur le dos pour la pluspart, mais on remarque l'apparition de crémations. Le mésolithique final ou transition mésolithique/néolithique est daté entre 6.200 et 6.000 av. JC. Cette phase est donc contemporaine avec le néolithique ancien dans les vallées de la Morava, du Danube moyen et de la Tisza. Un art remarquable de roches sculptées et d'architecture innovante comme les constructions à base trapézoïdale, caractérise cette phase à Lepenski Vir. La poterie et les haches polies font leur apparition, mais il n'y a pas de trace de domestication, ce qui semble indiquer un mode de vie hybride. Les sépultures sont encore dans une position allongée. A la même époque un site pleinement néolithique a été découvert à Ajmana à l'entrée des gorges du Danube. Puis vers 6.000 ou 5.950 av. JC. les premières inhumations en position fléchie apparaissent en plusieurs endroits. A Lepenski Vir ces positions fléchies coexistent avec des positions allongées. Ensuite, les architectures à base trapézoïdale, disparaissent à Lepenski Vir et les habitations prennent une forme typiquement néolithique. La population augmente. La région des gorges du Danube comprend une des plus importantes séries de restes humains liés à la transition mésolithique/néolithique.

Les mesures isotopiques de l'azote, du carbone et du strontium ont été effectuées sur un certain nombre d'ossements issus de nombreuses sépultures de la région des gorges du Danube. Il est possible de voir une forte relation entre ces mesures isotopiques et les datations radiocarbones, pour lesquelles un changement majeur intervient aux alentours de 6.200 av. JC., soit à la transition mésolithique/néolithique. La période néolithique se traduit par une plus grande variation du lieu d'origine des différents individus, mais également par une diète composée essentiellement d'animaux terrestres, et non plus de poissons.
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Les valeurs isotopiques différentes des valeurs locales sont soit plus élevées, soit plus faibles indiquant ainsi au moins deux régions d'origine différentes pour les migrants. Les premiers migrants à Lepenski Vir sont enterrés en position couchée et sont majoritairement des femmes, les derniers arrivant sont enterrés en position fléchie. Il semble donc que les premiers migrants qui sont des femmes correspondent à des échanges de femmes entre les sociétés mésolithiques des gorges du Danube, et les sociétés néolithiques situées plus en aval. La seconde vague de migrants correspond probablement à l'arrivée des sociétés pleinement néolithiques dans les gorges du Danube. Notamment, deux individus migrants de Lepenski Vir inhumés en position fléchie présentent des carries dans leurs dents indiquant une nourriture à base d'amidon typiquement néolithique.

Ainsi, cette étude privilégie un modèle dans lequel des interactions intenses et prolongées durant au moins deux siècles entre des communautés mésolithiques et les premières communautés néolithiques ont eu lieu dans les Balkans. La vallée du Danube a dû avoir une importance considérable dans la diffusion néolithique. Cette dernière est caractérisée par la migration de personnes et l'assimilation complète des sociétés de chasseurs-cueilleurs.