Un des objectifs de la génétique des populations est de déterminer les relations entre les différentes populations humaines. Avant l'émergence de l'homme moderne il y a environ 200.000 ans, des hommes archaïques vivaient en Afrique, en Europe et en Asie. Les hommes modernes qui ont quitté l'Afrique durant le Pléistocène Supérieur, ont reçu une contribution génétique d'au moins deux populations archaïques: les Néandertaliens et les Dénisoviens. Bien que des séquences Néandertaliennes aient été détectées dans l'ADN autosomal et le chromosome X des hommes modernes, aucun génome mitochondrial Néandertalien n'a été détecté chez les hommes modernes. L'ADN du chromosome Y de l'homme de Neandertal n'a pas encore été étudié, et donc comparé à celui de l'homme moderne.

Aujourd'hui, cinq individus de Neandertal ont été complètement séquencé, mais ce sont tous des femmes. Des séquences mitochondriales sont également disponibles pour huit individus d'Espagne, d'Allemagne, de Croatie et de Russie.

Fernando L. Mendez et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: The Divergence of Neandertal and Modern Human Y Chromosomes. Ils ont analysé le chromosome Y d'un homme de Neandertal du site de El Sidron en Espagne, vieux de 49.000 ans.
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Ils ont ensuite comparé le chromosome Y de cet individu à celui d'un chimpanzé, à la séquence de référence pour l'homme moderne et à ceux de deux individus Africains appartenant à l'haplogroupe A00, la branche la plus profonde de l'arbre phylogénétique des hommes modernes.

Les auteurs ont utilisé le chimpanzé comme un exogroupe. A partir des 118.643 sites pour lesquelles les auteurs ont des données Néandertaliennes alignées sur les références homme moderne et chimpanzé, il y a 24 positions pour lesquelles l'allèle Néandertalienne est la même que l'allèle du chimpanzé, mais diffère des individus A00 et de l'homme moderne de référence. Par contre, il n'y a que 4 positions pour lesquelles l'allèle des individus A00 est la même que l'allèle du chimpanzé, mais diffère du Néandertalien et de l'homme moderne de référence. Deux de ces quatre variants sont connus pour être le résultat de mutations récurrentes ou de contamination. Ces données supportent donc le fait que le chromosome Y de l'homme de Neandertal est plus distant de l'homme moderne de référence que les individus d'haplogroupe A00:
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Les auteurs ont ensuite estimé l'âge de l'ancêtre commun le plus récent. A l'aide d'un point de calibration donné par l'individu de Ust’-Ishim vieux de 45.000 ans, les auteurs ont estimé l'âge de l'ancêtre commun le plus récent des hommes modernes incluant l'haplogroupe A00. La valeur est de 275.000 ans. Ensuite, en comptant simplement le nombre de mutations sur les branches a, e et d de la figure ci-dessus les auteurs en ont déduit l'âge de l'ancêtre commun le plus récent aux hommes modernes et au Néandertalien. Cette méthode est indépendante du taux de mutations choisi. La valeur est de 588.000 ans. De manière intéressante, cette estimation est voisine de la divergence entre les hommes modernes et les hommes de Neandertal, calculée à partir de l'ADN mitochondrial.

Les auteurs ont ensuite examiné la fonction potentielle des 146 mutations qui diffèrent entre l'homme de Neandertal, les individus A00 et la séquence de référence. Ils ont ainsi trouvé 12 mutations qui agissent sur des gènes:
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La plupart ont des effets bénins sauf pour PCDH11Y, USP9Y et TMSB4Y chez Neandertal, ZFY chez les individus A00 et KDM5D dans la séquence moderne de référence. Le gène PCDH11Y est lié à la latéralisation du cerveau et au développement du langage. USP9Y est lié à l'activité des protéases et peut influencer la spermatogenèse. TMSB4Y permet de réduire la prolifération des cellules cancéreuses. KDM5D permet également de supprimer l'invasivité de certains cancer. De manière intéressante trois gènes sont des antigènes HY liés à la différenciation sexuelle. Il est tentant de spéculer que certaines de ces mutations qui diffèrent entre les hommes modernes et les hommes de Neandertal ont conduit à des incompatibilités génétiques entre les hommes modernes et les hommes de Neandertal, et donc à la disparition de la lignée Néandertalienne paternelle chez les hommes modernes.