La transition en Europe du Paléolithique Moyen au Paléolithique Supérieur débute il y a environ 47.000 ans avec l'arrivée des premiers hommes modernes qui vont cohabiter avec Néandertal jusqu'à sa disparition il y a environ 40.000 ans. En Eurasie, on connaît le génome de seulement trois individus plus vieux que 40.000 ans: Oase1 en Roumanie, Ust’Ishim en Sibérie et Tianyuan en Chine. Ainsi on connaît peu de choses sur la composition génétique de ces anciens hommes modernes. Oase1 et Ust’Ishim ne montrent pas de relation génétique avec les populations Eurasiennes qui ont suivi, contrairement à Tianyuan qui a contribué à la composition génétique des anciens individus et des populations contemporaines Asiatiques. D'autre part Oase1 a un ancêtre Néandertal proche et pose la question des relations entre les néandertaliens et les hommes modernes après l'arrivée de ces derniers en Europe.

Mateja Hajdinjak et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Initial Upper Palaeolithic humans in Europe had recent Neanderthal ancestry. Ils ont séquencé le génome de plusieurs individus de la grotte Bacho Kiro en Bulgarie dont certains datent du début du Paléolithique Supérieur. Les auteurs ont testé six échantillons dont cinq (une dent (F6-620) et quatre os (AA7-738, BB7-240, CC7-2289 et CC7-335)) sont datés du début du Paléolithique Supérieur entre 45.900 et 42.600 ans, et le dernier (BK1653) est daté de l'Aurignacien entre 36.300 et 34.600 ans.

2021_Hajdinjak_Figure1.jpg, avr. 2021

Les auteurs ont déterminé le sexe de ces individus: F6-620, AA7-738, BB7-240 et CC7-335 sont des hommes alors que BK1653 et CC7-2289 sont des femmes.

Une étude précédente avait déterminé les haplogroupes mitochondriaux de ces échantillons. F6-620 et AA7-738 ont le même haplotype d'haplogroupe M. BB7-240 et CC7-335 sont à la base de l'haplogroupe N, proche de l'individu Oase1. CC7-2289 est de l'haplogroupe R et BK1653 est de l'haplogroupe U8.

L'étude du génome complet montre que F6-620 et AA7-738 appartiennent au même individu. De plus F6-620 appartient à l'haplogroupe du chromosome Y: F-M89, alors que BB7-240 et CC7-335 appartiennent à l'haplogroupe du chromosome Y: C1-F3393. Ces deux haplogroupes sont aujourd'hui rare et trouvés à basse fréquence en Asie du sud est et au Japon.

Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales. Les individus du début du Paléolithique Supérieur de la grotte Bacho Kiro sont localisés proche des anciens individus Oase1 et Ust’Ishim, quoique deux sont légèrement décalés vers l'ancien individu de Tianyuan. A l'inverse l'individu Aurignacien BK1653 est localisé proche des anciens Aurignaciens et Gravettiens d'Europe:

2021_Hajdinjak_FigureE2D.jpg, avr. 2021

La statistique f3 confirme ces résultats. De plus elle montre que les individus du début du Paléolithique Supérieur de la grotte Bacho Kiro sont plus proche génétiquement des populations actuelles d'Asie de l'est, d'Asie centrale et des Amériques que des populations actuelles de l'ouest de l'Eurasie. Ils sont également plus proche de l'ancien individu de Tianyuan que de l'ancien individu Kostenki14 de Russie:

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A l'inverse BK1653 est plus proche génétiquement des populations occidentales:

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Les auteurs ont ensuite construit un graphe de mélanges génétiques. Les résultats montrent que les individus du début du Paléolithique Supérieur de la grotte Bacho Kiro sont reliés à des ancêtres de l'individu de Tianyuan, mais aussi à des ancêtres des anciens individus GoyetQ116-1 et Ust’Ishim:

2021_Hajdinjak_Figure2d.jpg, avr. 2021

De plus l'individu BK1653 est relié à l'Aurignacien GoyetQ116-1 et aux anciens Gravettiens du groupe de Věstonice. De manière intéressante le groupe de Věstonice est issu d'un mélange génétique entre une population proche des anciens individus de Sunghir (56%) et une populations proche de BK1653 (44%).

Les auteurs ont ensuite recherché l'ADN de Néandertal dans le génome des anciens individus de la grotte Bacho Kiro. Ainsi les individus du début du Paléolithique Supérieur ont entre 3 et 3,8% d'ADN de Néandertal, ce qui est plus que ce qui est trouvé dans la majorité des anciens individus d'Eurasie ou dans les populations actuelles, à l'exception d'Oase1 qui possèdait 6,4% d'ADN de Néandertal. Par contre BK1653 ne possède que 1,9% d'ADN de Néandertal. Les auteurs ont identifié la position des différents segments d'ADN de Néandertal dans les chromosomes des anciens individus de Bacho Kiro:

2021_Hajdinjak_Figure3.jpg, avr. 2021

Ainsi F6-620 possède 279,6 centiMorgans (cM) d'ADN de Néandertal plus que CC7-335 (251,6 cM), BB7-240 (220,9 cM) et BK1653 (121,7 cM). Les auteurs ont également estimé que F6-620 avait un ancêtre Néandertalien six générations avant lui, alors que CC7-335 et BB7-240 avaient un ancêtre Néandertalien sept générations avant eux. Ces résultats suggèrent que le mélange génétique entre hommes modernes et Néandertaliens était assez fréquent en Europe entre 47.000 et 40.000 ans.

Vous pouvez écouter l'émission de carbone 14 sur france culture au sujet de la femme de Zlatý kůň et des hommes de Bacho Kiro du samedi 1 mai 2021: