L'Âge du Bronze en Eurasie est caractérisé par des changements importants aux niveaux social, politique et économique, visibles notamment dans l'apparition des premiers centres urbains et des palaces monumentaux. La mer Égée a joué un rôle crucial dans la formation de ces innovations grâce à la civilisation Minoenne, la civilisation Helladique et la civilisation des Cyclades entre 3100 et 1100 av. JC. A la fin de l'Âge du Bronze apparaissent les écritures linéaire A et linéaire B. Si la première n' a pas encore été déchiffrée, la seconde est une forme primitive du Grec.

Florian Clemente et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: The genomic history of the Aegean palatial civilizations. Ils ont séquencé le génome de six anciens individus de ces différentes civilisations dont quatre de l'Âge du Bronze Ancien et deux de l'Âge du Bronze Moyen:

20218_Clemente_Figure1.jpg, mai 2021

Les auteurs ont réalisé une analyse multi-échelles pour comparer ces nouveaux génomes avec d'autres génomes anciens et contemporains. Dans la figure ci-dessous les quatre individus de l'Âge du Bronze Ancien se regroupent ensemble non loin des Sardes actuels et avec les anciens individus d'Anatolie et de la région Égéenne du Chalcolithique et de l'Âge du Bronze. La proximité génétique de tous ces anciens individus autour de la mer Égée suggère qu'ils se déplaçaient en bateau:

20218_Clemente_Figure2.jpg, mai 2021

Les auteurs ont ensuite réalisé une analyse avec le logiciel ADMIXTURE. Les individus de l'Âge du Bronze Ancien de la mer Égée ont une composante majoritaire (en rouge) associée aux fermiers d'Anatolie (> 65%). Le reste est principalement composée d'une ascendance chasseur-cueilleur du Caucase ou Néolithique d'Iran en bleu:

20218_Clemente_Figure3.jpg, mai 2021

Ces résultats suggèrent que ces anciens individus du Bronze Ancien sont issus génétiquement de la population précédente des fermiers de la région Égéenne. Les auteurs ont ensuite utilisé la statistique D pour identifier un éventuel flux de gènes en provenance de Caucase ou d'Iran dans la population Égéenne du Bronze Ancien. Les résultats montrent qu'un tel événement n'a pas eu lieu. En fait il semble que le flux de gènes en provenance du Caucase ou d'Iran arrive en Anatolie dès le début du Néolithique et à la fin du Néolithique dans la région Égéenne.

Les auteurs ont ensuite modélisé ces événements démographiques à partir d'une analyse ABC-DL. Dans un premier temps les auteurs ont analysé le rapport des individus du Néolithique de la région Égéenne avec les populations de chasseurs-cueilleurs. Le modèle le plus probable est le suivant:

20218_Clemente_Figure4A.jpg, mai 2021

Ensuite les auteurs ont modélisé ces événements sur les populations de l'Âge du Bronze. Ainsi le modèle le plus probable estime un flux de gènes en provenance du Caucase/Iran de l'ordre de 16% vers 5700 av. JC. Ce flux de gènes est arrivé soit directement dans la région Égéenne soit indirectement via la population Néolithique d'Anatolie:

20218_Clemente_Figure4B.jpg, mai 2021

L'arrivée de cette composante CHG chez les individus du Bronze Ancien de la région Égéenne n'est pas accompagnée d'une composante EHG. Ainsi la composante CHG n'arrive pas dans la région par l'intermédiaire des populations des Steppes contrairement aux autres populations Européennes, notamment aux populations des Balkans.

Les deux individus du Bronze Moyen de la région Égéenne du site de Logkas Elati sont très différents. Ils se regroupent à part des individus du Bronze Ancien de la même région dans la PCA ci-dessus, proche de la population Grecque actuelle. Dans l'analyse avec le logiciel ADMIXTURE, ils possèdent plus de composante jaune EHG (entre 26 et 34%) que leurs prédécesseurs (2 à 6%). Ces individus possèdent environ 58% de leur ascendance issue de la population néolithique de la région Égéenne. Le reste est un mélange EHG/CHG dans des proportions qui sont compatibles avec un flux de gènes en provenance des Steppes. Ainsi ces deux individus de Logkas Elati peuvent être modélisés comme issus d'un mélange génétique entre une population Néolithique (53%) et une population des Steppes du Bronze Ancien/Moyen (EMBA) (47%) ou une population Néolithique (38%) et une population des Steppes du Bronze Moyen/Final (MLBA) (62%) consistant avec une très forte contribution des Steppes. Ce flux de gènes en provenance des Steppes est daté autour de 2300 av. JC. Comme ce flux de gènes est absent de Sardaigne ou de Crête il semble que cette population n'a pas traversé la mer.

La comparaison des autosomes et des chromosomes X montre que le flux de gènes en provenance du Caucase/Iran au Néolithique n'est pas biaisé sexuellement. A l'inverse un des individus de Logkas Elati ne possède pas d’ascendance des Steppes sur son chromosome X alors qu'il possède entre 25 et 52% d'ascendance des steppes sur ses autosomes suggérant que le flux de gènes issu des steppes est beaucoup plus masculin que féminin, en accord avec les publications précédentes ailleurs en Europe.

Les Mycéniens analysés dans une étude précédente sont encore différents. En plus des scénarios proposés dans l'étude préxcédente, les Mycéniens peuvent également être modélisé comme issu d'un mélange génétique entre une population proche des anciens individus de Logkas Elati et une population Égéenne de l'Âge du Bronze Ancien.

Enfin les anciens individus de cette étude présente des yeux marrons, des cheveux bruns et une peau sombre. Ils sont intolérants au lactose.