Le Néolithique Européen se diffuse à partir du Proche-Orient et aborde la Grèce il y a environ 8500 ans. La génétique sur des anciens squelettes nous a montré que cette diffusion s'est accompagnée d'une forte discontinuité en Europe Centrale, du Nord et de l'Est. Notamment, une nouvelle composante ancestrale, présente chez la plupart des Européens d'aujourd'hui, apparait dans le génome des premiers fermiers Européens. Les analyses d'ADN ancien au Proche-Orient ont montré que la source de cette composante, mais aussi des haplogroupes mitochondriaux et du chromosome Y, était bien située en Anatolie. Cependant il y a très peu de résultats d'ADN ancien issus de squelettes situés le long de la Méditerranée, notamment entre la Grèce et l'Italie. Pourtant une étude récente a montré que deux individus Mésolithiques de Grèce appartiennent à l'haplogroupe mitochondrial K1c, haplogroupe appartenant au package Néolithique. De plus une autre étude récente a montré que deux individus Mésolithiques de Sardaigne appartiennent aux haplogroupes J2b1 et I3. D'autre part, il y a des indices issus de la génétique des populations actuelles qui montrent que certains haplogroupes mitochondriaux comme J, T, I et W pourraient être arrivés en Europe avant le Néolithique.

Joana B. Pereira et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Reconciling evidence from ancient and contemporary genomes: a major source for the European Neolithic within Mediterranean Europe. Ils ont étudié les haplogroupes J et T dans la population actuelle pour estimer l'âge d'arrivée en Europe des principales sous-clades. Ils ont ainsi séquencé 203 nouveaux mitogénomes qui ont été ajoutés à 1476 séquences préalablement publiées. Ils ont ensuite estimé les dates de migration en utilisant une analyse fondatrice suivant trois axes différents:

  • du Proche-Orient vers l'Europe Méditerranéenne (sans l'Espagne)
  • du Proche-Orient et l'Europe Méditerranéenne vers l'Espagne
  • du Proche-Orient et l'Europe Méditerranéenne vers l'Europe Centrale et du Nord

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Le haut de la figure ci-dessus montre que le pic d'arrivée en Europe Méditerranéenne venant du Proche-Orient se situe vers 12.800 ans. Ce pic est suivi d'un léger renflement autour de 9000 ans. Ces résultats indiquent donc une première migration importante du Proche Orient vers l'Europe Méditerranéenne bien avant le Néolithique, suivie d'une plus faible migration au début du Néolithique. Ainsi les sous-clades J1c, J2b1, T2b et T1a1c arrivent en Europe Méditerranéenne autour de 13.000 ans, les sous-clades T2e et J1c2 entre 11.500 et 9000 ans, T1a1a1 vers 8600 ans au début du Néolithique. En moyenne, les deux tiers des sous-clades de J et T semblent arriver en Europe Méditerranéenne à la fin de l'époque glaciaire.

Le milieu de la figure ci-dessus montre que le pic se situe vers 7000 ans et correspond au début du Néolithique dans la péninsule Ibérique. Ainsi les sous-clades T2b, T1a1a1 et J1c5c semblent arriver en Espagne avec le Néolithique. De manière intéressante la sous-clade T2a1a est datée du Bronze Ancien autour de 4000 ans. En moyenne les deux-tiers des sous-clades arrivent en Espagne au Néolithique.

Le bas de la figure ci-dessus montre qu'il y a deux pics d'arrivée à 7200 et 5200 ans. Le premier pic correspond bien à l'arrivée des premiers fermiers en Europe Centrale. Il inclut notamment les sous-clades J1c2 et T2b qui semblent venir d'Europe Méditerranéenne plus que du Proche-Orient. Le second pic correspond essentiellement à la diffusion de la sous-clade T1a1a1 à la fin du Néolithique et pourrait correspondre à la diffusion de la culture de la céramique Cordée.

L'analyse de l'évolution de la taille effective de la population montre pour l'haplogroupe J une expansion Glaciaire au Proche-Orient et en Arabie autour de 15.000 ans, dans le Caucase du Sud et en Anatolie autour de 13.000 ans. En Europe Méditerranéenne on voit cette première expansion Glaciaire suivie d'une seconde au début du Néolithique autour de 7000 ans. La péninsule Ibérique et l'Europe Centrale, au contraire, ne montrent qu'une seule expansion correspondant au début du Néolithique après 8000 ans. Le motif est similaire pour l'haplogroupe T avec une distinction concernant l'Europe Centrale et du Nord qui montre une expansion principale à la fin du Néolithique après 5000 ans.

La figure ci-dessous résume les résultats obtenus dans cette étude:
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Elle montre une arrivée d'haplogroupes mitochondriaux J et T en Europe Méditerranéenne entre la Grèce et l'Italie à la fin de la période Glaciaire (flèche jaune), puis une diffusion de ces haplogroupes en Europe au Néolithique à partir du Proche-Orient mais aussi à partir de l'Europe Méditerranéenne (flèches vertes). Ces résultats devront néanmoins être validés par des analyses d'ADN ancien sur des squelettes Mésolithiques de Grèce ou d'Italie.