En juin 2015, deux papiers d'ADN ancien ont été publiés dans la revue Nature: Allentoft et al. 2015, Haak et al. 2015 avec d'énormes implications sur notre compréhension de la fin de la préhistoire en Europe et en Asie de l'Ouest. Les résultats de ces études peuvent être résumés en cinq points:
- La découverte d'une troisième ascendance majeure à tous les Européens contemporains en plus des deux ascendances: WHG (chasseurs-cueilleurs de l'Ouest) et EEF (premiers fermiers du Proche-Orient). Cette troisième composante est plus forte dans le Nord de l'Europe et plus faible dans le Sud.
- Cette troisième composante ancestrale est issue des Steppes Eurasiennes et reliée aux migrations Yamnaya datées d'environ 3000 av. JC.
- Le flux génétique est passé directement de la culture Yamnaya à la culture Cordée.
- Les migrations ont joué un rôle important dans la compréhension de l'histoire de l'Europe du 3ème millénaire av. JC.
- Ces événements sont liés à la diffusion des langues Indo-Européennes.
Plusieurs autres papiers d'ADN ancien, publiés peu après ont démontré les points suivants:
- La peste est une maladie qui s'est diffusée en Eurasie dès le 3ème millénaire av. JC. et est connectée à la diffusion des cultures Yamnaya et Cordée.
- Les gens de la culture Yamnaya ont une forte stature, la peau claire et les yeux marrons alors que les gens de la culture Cordée ont plutôt les yeux bleus. La mutation liée à la tolérance au lactose n'est pas encore répandue à cette époque.
- Les changements du 3ème millénaire atteignent également l'Irlande et montrent que la culture Campaniforme a également joué un rôle aux côtés des cultures Yamnaya et Cordée.
- Ces changements et migrations semblent menés principalement par des hommes.
Volker Heyd vient de publier un papier intitulé: Kossinna’s smile. Il évoque les nombreuses interactions qui ont eu lieu entre les peuples de la Steppe et ceux d'Europe avant l'émergence de la culture Yamnaya, ainsi que le rôle de la culture des Amphores Globulaires au 4ème millénaire av. JC. Des tumulus et des restes osseux de chevaux apparaissent au sein de la culture Baalberge en Allemagne de l'Est, puis de la culture Salzmünde. Il y a aussi des restes osseux de chevaux en Hongrie et en République Tchèque à la même époque. En fait les interactions entre les cultures des Steppes et l'Europe commencent dès le 5ème millénaire av. JC. avec la culture Suvorovo-Novodanilovka.
L'auteur insiste également pour faire entrer la culture Campaniforme dans les moteurs de changements du 3ème millénaire av. JC. En effet les premières dates du Campaniforme dans la péninsule Ibérique remontent à 2800 ou 2700 av. JC, proche des premières dates d'apparition de la culture Cordée. L'apparition des stèles anthropomorphes en Europe et notamment en France et dans la péninsule Ibérique est un indicateur de ces changements en Europe Occidentale. L'apparition des poignards en Silex ou en Cuivre dans l'Ouest en est un second, ainsi que les sépultures de guerriers retrouvés avec ces armes. Notamment l'auteur révèle une découverte récente sur le site de Valencina de la Concepción dans le Sud de l'Espagne où plusieurs points rappellent les sépultures des cultures Yamnaya et Cordée. Cette sépulture est datée entre 2875 et 2700 av. JC. dans le Chalcolithique Ibérique. Il s'agit d'un grand tumulus avec une chambre sépulcrale. L'individu est positionné sur le côté droit avec les jambes repliées. Il est orienté Est-Ouest avec un poignard de Silex et est recouvert de pigment rouge à base de Cinabre:
Ont été retrouvé également dans la sépulture: une plaque d'ivoire Africain ovale et une feuille d'or décorée, les deux en forme de sandale. D'autres plaques similaires en forme de sandale faites en ivoire, os ou calcaire, ont été retrouvées également dans quatre autres sites du Sud de la péninsule Ibérique datés de la première moitié du 3ème millénaire av. JC. Ces artefacts trouvent un parallèle réellement extraordinaire puisque on retrouve les mêmes formes de sandale gravées sur des stèles anthropomorphes associées à des kourganes de la culture Yamnaya en Ukraine:
Ces sandales sont interprétées comme des signes de prestige, de haut statut et de pouvoir. Bien que nous pouvons saisir seulement une partie de leur symbolisme, ces symboles sont un exemple de plus de la connexion entre la culture Yamnaya et l'expansion de la culture Campaniforme en Europe Occidentale au 3ème millénaire av. JC.
2 réactions
1 De Luc TABARE - 24/04/2017, 18:19
Il ne s'agit pas ici de "piment" rouge (puisque d'origine mexicaine) mais de pigment rouge. L'usage le plus ancien du cinabre (sulfure de mercure) pour colorer des os n'était connu qu'en Chine depuis le IIe millénaire av. JC. Inconnu des Egyptiens, il ne semble apparaître que vers le VIe siècle en Grèce, en provenance d'Asie mineure.
Sa présence dans une sépulture ibérique datée de 2875 à 2700 av. JC ne pourrait-elle pas confirmer des liens avec la région altaïque ?
2 De rainetto - 25/04/2017, 21:30
Bonjour @Luc TABARE
(je suis un commentateur)
A ma connaissance, le cinabre (sulfure de mercure servant de pigment rouge précieux) est abondement exploité et utilisé dans une grande partie de l'Europe depuis le début du Néolithique. Pour l’anecdote, c'est même l'exploitation de mines de cinabre dans les Balkans qui a conduit au développement des première villes d'Europe (à un niveaux supérieur vis à vis des villages agricoles), dans la culture de Vinça, au VIe millénaire avant JC. Son extraction constitue l'une des plus anciennes exploitations minières d'Europe, elle précède l’exploitation des minerais de métaux, et aurait même joué un grand rôle dans la découverte de ces derniers dans les Balkans, c'est peu de temps après que débute la plus ancienne métallurgie dans les mêmes zones. On connait aussi son utilisation en Espagne à la même époque, dès la culture cardiale (le tout premier néolithique espagnol). Enfin son utilisation en Europe a été intense et continue de la culture mégalithique jusqu'à l'Antiquité gréco-romaine (dans la Rome antique, le cinabre était le pigment le plus prestigieux, parfois plus cher que l'or) et jusqu'au Moyen-Age (c'est l'un des trois pigments précieux de la tradition européenne, dont on ornaient encore les cathédrales gothiques et les enluminures, avec les dorures et le bleu de lapis lazuli ou d'azurite).