Le mobilier archéologique de la fin du Chalcolithique au Levant diffère de celui des périodes précédentes ou successives dans la même région. Il y a une augmentation de la densité d'habitats, l'apparition de sanctuaires, l'utilisation d'ossuaires en tant que sépultures secondaires, ainsi que la diffusion de pratiques rituelles et de motifs symboliques sculptés et peints sur des supports en céramique, basalte, cuivre et ivoire. Les objets métalliques montrent pour la première fois l'utilisation de la méthode de la cire perdue pour le moulage d'objets en cuivre. La distinction de cette culture avec la précédente semble indiquer qu'elle a été apportée par des migrants venus du Nord de la Mésopotamie, bien que certains supposent qu'elle a émergé localement.
Les études génomiques précédentes au Proche-Orient ont montré que les populations Néolithiques d'Anatolie, du Levant et d'Iran différaient nettement entre elles. Cependant à l'Âge du Bronze, le mouvement de ces différentes populations et de nombreux mélanges génétiques ont atténué ces différences et homogénéisé la population de cette région. Ainsi la population de 'Ain Ghazal en Jordanie entre 2490 et 2300 av. JC. a pu être modélisée comme un mélange génétique de 56% d'agriculteurs Néolithiques du Levant et 44% d'une population Chalcolithique d'Iran. De plus la population Cananéenne de Sidon au Liban autour de 1700 av. JC. a pu être modélisée comme issue d'un mélange génétique de 48% d'agriculteurs du Levant et 52% d'une population du Chalcolithique d'Iran.
Éadaoin Harney et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Ancient DNA from Chalcolithic Israel reveals the role of population mixture in cultural transformation. Ils ont séquencé le génome de 22 individus issus de la grotte de Peqi’in située au nord d'Israël et datés entre 4500 et 3900 av. JC.:
La différence génétique entre cette population du Chalcolithique Israélien et les autres populations anciennes du Proche-Orient se situe à un niveau intermédiaire entre les fortes différences du début du Néolithique et les faibles différences actuelles. De plus la diversité génétique de cette population est plus forte que dans les populations du début du Néolithique, mais plus faible que celle des populations plus récentes de l'Âge du Bronze ou contemporaines. Ces résultats sont cohérents avec un modèle dans lequel les flux de gènes successifs réduisent les différences génétiques entre groupes, mais accroissent la diversité à l'intérieur de chaque groupe.
L'étude des haplogroupes du chromosome Y montre que 10 hommes parmi 11 sont de l'haplogroupe T1a. Le dernier est de l'haplogroupe E1b. Les haplogroupes mitochondriaux sont variés: H, HV, J2a, T, K1a, N1a, N1b, I, R0 et U6d:
Les auteurs ont ensuite réalisé une Analyse en Composantes Principales. Dans la figure ci-dessous les échantillons de la grotte de Peqi’in sont représentés par des carrés rouges. Ils se regroupent avec les échantillons du Néolithique du Levant (triangles rouges):
Ils sont cependant légèrement décalés vers le haut en direction des échantillons de l'Âge du Bronze du Levant de Sidon (Levant_BA_North) et de 'Ain Ghazal (Levant_BA_South) représentés par des losanges rouges. Ainsi tous les individus du Levant d'une période plus récente que le début du Néolithique sont déplacés vers les échantillons du Chalcolithique Iranien (carrés violets).
Les auteurs ont ensuite réalisé une analyse avec le logiciel ADMIXTURE:
La composante principale des individus du Chalcolithique Israélien est bleue. Elle est maximale chez les Natoufiens et les Néolithiques du Levant. Ils ont cependant une autre composante importante en vert qui est maximale chez les Néolithiques Iraniens.
L'utilisation des statistiques f3 et f4 montre que la population de la grotte de Peqi’in est issue d'un mélange génétique entre une population Néolithique du Levant et une population d'Iran ou du Caucase. De plus l'utilisation du logiciel qpAdm permet d'affiner le modèle et montre que la population Chalcolithique d'Israël est issue d'un mélange génétique entre une population Néolithique du Levant (57%), une population Chalcolithique d'Iran (17%) et une population Néolithique d'Anatolie (26%).
Ainsi à l'inverse des populations de l'Âge du Bronze du Levant, les Chalcolithique de la grotte de Peqi’in possèdent une ascendance issue des fermiers néolithique d'Anatolie. En conséquence la population Chalcolithique du Levant ne peut pas être directement ancestrale aux populations de l'Age du Bronze du Levant.
Les auteurs ont ensuite regardé les haplotypes de certains gènes dans la population du Chalcolithique du Levant et susceptible de changer le phénotype. Ils ont ainsi remarqué que l'allèle associé à la couleur bleue des yeux dans le gène OCA2 est présent à 49% suggérant que cette couleur des yeux était fréquente dans cette population. D'autre part l'allèle dérivée du gène SLC24A5 liée à une couleur claire de la peau est toujours présente dans cette population. Enfin l'allèle G de la position rs6903823 associée aux gènes ZKSCAN3 et ZSCAN31, absente chez les Néolithiques du Proche-Orient et connue pour avoir subi la sélection naturelle, est présente à 20% chez les Chalcolithiques du Levant, 17% chez les individus de l'Âge du Bronze du Levant et 15% chez les Chalcolithiques d'Iran.
Génomes anciens de squelettes du Chalcolithique Israélien
mardi 21 août 2018. Lien permanent ADN ancien
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6 réactions
1 De liganol - 28/08/2018, 02:43
Article très intéressant, j'ai aussi lu l'étude original mise à disposition par Bernard dans le lien mis dans l'article. Ce qui m'a le plus étonné dans cette étude c'est que bien que je savais que les trois peuples basiques du Proche et Moyen-Orient , dont les Anatoliens, les chasseurs-cueilleurs levantins et les chasseurs-cueilleurs iraniens représentaient chacun un cluster avant le Néolithique ; j'ai été étonné d'apprendre qu'ils étaient à cette époque aussi éloigné l'un de l'autre génétiquement que ne l'est aujourd'hui un Européen et un Asiatique et que c'est le métissage entre ces trois groupes au cours du Néolithique qui va finir par presque homogénisé le Proche et Moyen-Orient dans l'Antiquité.
De plus si on en croit cet article les Cananéens ne semblent donc pas être les descendants en droite ligne de la population ancestrale de la région, mais plutôt d'être issu d'une invasion qui semble avoir été violente.
Savez-vous Bernard si des tests génétiques ont été faites sur les squelettes sumériens de la nécropole d'Ur ? Ou même sur d'autres restes sumériens ou mésopotamiens ?
La génétique pourrait aussi régler le problème du fameux peuple X de la Mésopotamie que soupçonnent certains savants.
2 De Bernard - 28/08/2018, 19:52
Bonjour Liganol, non à ma connaissance aucun squelette de la nécropole d’Ur n’a été testé génétiquement.
3 De ano - 06/10/2018, 12:29
Bernard Secher
Bonjour les Sumériens ont bien été testés ils sont J
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed...
4 De Bernard - 07/10/2018, 10:08
Bonjour ano, l'étude que vous mentionnez ne concerne pas des tests d'ADN ancien sur des squelettes Sumériens mais des tests ADN sur des populations contemporaines du sud de l'Irak.
5 De ano - 18/11/2018, 23:05
Les sumériens étaient des proto-sémitiques.les statues montrent un phénotype sémitique.nez,cheveux ondulés ect..si langue diffère c'est parce qu qu'ils parlaient l'arabéen pur, les sumériens étaient originaires du jardin de Dilmun,ils viennent de la côte est arabique. Des termes comme Shamash ( semsh en arabe qui veut dire Soleil ) sonnent clairement comme sémites.
6 De Normand - 14/12/2018, 05:48
Liganol a dit :
-- j'ai été étonné d'apprendre qu'ils étaient à cette époque aussi éloigné l'un de l'autre génétiquement que ne l'est aujourd'hui un Européen et un Asiatique --
Non c'est très exagéré, ces clusters étaient quand même très apparentés entres eux comparé aux Européens et Asiatiques. Ce sont tous des Eurasiens occidentaux dans les grandes lignes, ils partagent de fortes parts d'ascendances communes si on remonte à une époque plus ancienne. Tous sont composés d'une ascendance "basal eurasian" et d'ascendances "ouest eurasiennes" en général, en proportions variées, ce qui caractérise tous les eurasiens occidentaux. Le Européens d'aujourd'hui (qui restent des eurasiens occidentaux) et les Asiatiques sont quant à eux séparés depuis près de 40000 ans sans flux efficace depuis ce temps.
Il suffit de regarder les analyses en composantes principales d'échelle mondiale. Celle présente dans cet article ne représente que les Eurasiens occidentaux, soit une très petite échelle.
Sur le graphe de l'article on peut voir que deux des populations de base du Proche Orient : Anatolian N et Natoufian, ne sont pas plus différentes entre elles que les Grecs d'aujourd'hui vis à vis des Espagnols d'aujourd'hui, sachant que ces deux populations actuelles sont évidement beaucoup plus proches que ne le sont les Européens des Asiatiques. Anatolian N et Natoufian étaient donc très très peu différenciés en réalité à l'échelle mondiale. Iran N est plus différent mais ce n'est pas non plus énorme, bien moins en tout cas que les Européens par rapport aux Asiatiques.
Donc si il y a des gens qui aurait dit ça dans les médias ou un article, même si ça viendrait d'un chercheur, c'est une envolée qu'on ne peut pas prendre au sérieux, une forte exagération lyrique comme on en lit souvent, même venant de gens sérieux.