En 2012, Qiaomei Fu et ses collègues avaient obtenu des résultats d'ADN ancien sur un ancien individu de la grotte Tianyuan en Chine, vieux d'environ 40.000 ans. A cause de la forte proportion des séquences microbiennes contenues dans l'ADN, les auteurs n'avaient obtenu des résultats que pour l'ADN mitochondrial et une très faible partie de l'ADN nucléaire.

Melinda Yang et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: 40,000-Year-Old Individual from Asia Provides Insight into Early Population Structure in Eurasia. Avec de nouvelles méthodes d'extraction, ils ont séquencé le génome du même individu de la grotte Tianyuan avec une couverture moyenne de 3. Ces données ont été comparées avec d'autres anciens génomes d'Eurasie ainsi que des populations actuelles.

Cet individu est un homme. La statistique f3 montre qu'il partage plus d'allèles dérivés avec les populations actuelles de l'Est Asiatique, les Océaniens et les Amérindiens (voir figure A ci-dessous):
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C'est également vrai pour les anciens individus (figure B ci-dessus). De plus tous les anciens individus Est Asiatiques et Amérindiens sont plus proches les uns des autres qu'ils ne sont de l'ancien individu de Tianyuan. Ainsi l'individu de Tianyuan appartenait à un ancien groupe qui a contribué à toutes les populations plus récentes d'ascendance Asiatique. Donc la séparation génétique entre l'Europe et l'Asie remonte à plus de 40.000 ans.

Avant 35.000 ans, plusieurs populations co-existaient donc en Eurasie. Une est représentée par l'ancien individu de Kostenki qui a contribué à l'ascendance des Européens actuels, une autre est représentée par l'individu de Tianyuan qui a contribué à l'ascendance des Est Asiatiques actuels. D'autres populations représentées par l'ancien individu de Ust’-Ishim en Sibérie et par l'ancien individu de Oase en Roumanie n'ont pas contribué génétiquement aux populations actuelles. Si on inclut la population Basal Eurasian qui a contribué aux Européens actuels, un minimum de quatre populations différentes ont coexisté en Eurasie avant 35.000 ans.

Parmi les anciens individus du Paléolithique Supérieur d'Europe, l'individu GoyetQ116-1 des grottes de Goyet en Belgique vieux de 35.000 ans (culture Aurignacienne), partage plus d'allèles dérivés avec l'individu de Tianyuan que tous les autres (voir le numéro 1 dans la figure B ci-dessus). De plus les anciens individus Européens reliés à cet individu des grottes de Goyet comme l'ancien individu du site de El Miron en Espagne vieux de 19.000 ans (culture Magdalénienne) ne partagent pas plus d'allèles dérivés avec l'individu de Tianyuan. Également, les populations actuelles de l'Est Asiatique ne partagent pas plus d'allèles dérivés avec ce individu des grottes de Goyet qu'avec les autres anciens individus Européens. L'individu des grottes de Goyet porte l'haplogroupe mitochondrial M trouvé aujourd'hui parmi les populations Est Asiatiques, Océaniennes et Amérindiennes, mais absent dans les populations actuelles Européennes. Tous ces résultats suggèrent que les anciens individus de Tianyuan et de Goyet partagent une ascendance commune qui n'a pas contribué aux autres anciens individus d'Eurasie.

D'autres liens génétiques entre Eurasie de l'Est et de l'Ouest ont été mis en évidence. Ainsi les individus de Mal'ta et de AfontovaGora en Sibérie ainsi que certains anciens individus Mésolithiques Européens et les anciens chasseurs-cueilleurs de Carélie, ont reçu un flux de gènes issu de l'Est de l'Asie.

Les Asiatiques actuels portent des ascendances issues des Néandertaliens et des Dénisoviens. L'ancien individu de Tianyuan porte environ 4 à 5% d'ascendance Néandertalienne comme de nombreux anciens individus d'Eurasie. Les auteurs n'ont pas détecté d'ascendance Dénisovienne chez l'ancien individu de Tianyuan à un niveau équivalent à ce qu'on trouve chez les Océaniens actuels, mais n'excluent pas que ce niveau soit équivalent à ce qu'on trouve chez les Est Asiatiques actuels.

Beaucoup de populations Amérindiennes actuelles partagent des allèles dérivés avec l'individu de Tianyuan, mais trois populations Sud-Américaines (Surui et Karitiana du Brésil et Chane du Nord de l'Argentine et du Sud de la Bolivie) partagent plus d'allèles dérivés avec l'individu de Tianyuan que toutes les autres populations Amérindiennes. Ces populations Amérindiennes partagent également plus d'allèles dérivés avec les populations Papoues et Onge actuelles que toutes les autres populations Amérindiennes. Ces résultats suggèrent qu'au moins deux populations ancestrales différentes ont contribué à l'ascendance des populations Amérindiennes. L'ancien individu Amérindien Anzick-1 ne partage pas plus d'allèles dérivés avec l'ancien individu de Tianyuan (ou avec les Papous et Onges actuels) que les autres individus Amérindiens. Ainsi les Surui, Karitiana et Chane peuvent être modélisé comme un mélange génétique entre les autres populations Amérindiennes et une ancienne population reliée à l'ancien individu de Tianyuan, aux Papous et aux Onges (9 à 15%). Ces différents résultats peuvent être modélisés par le graphe ci-dessous:

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Dans le graphe ci-dessus les populations Européennes sont représentées par l'ancien individu de Kostenki.