L'Asie de l'est héberge un quart de la population mondiale et divers groupes ethniques et linguistiques. Cependant son histoire génétique est actuellement mal comprise. Les populations actuelles de la région montrent un gradient nord-sud et des dérives génétiques importantes. De plus l'ascendance est Asiatique a influencé les populations du Sud-Est Asiatique, des steppes orientales et de Sibérie du nord-est. Enfin les anciennes populations des îles du sud-ouest du Pacifique montrent une relation nette avec les populations Austronésiennes de Taïwan, mais également avec certaines populations continentales Est Asiatiques. D'autre part les preuves archéologiques indiquent que les habitants de l'est de l'Asie devaient être très diversifiées dans le passé. Des études crâniométriques suggèrent que le peuplement humain en Asie de l'est est caractérisé par deux couches d'ascendance: une première caractérisée par les populations de chasseurs-cueilleurs et une seconde associée à la migration d'une population Néolithique venue du nord-est de l'Asie et se répandant en Asie.

Melinda Yang et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Ancient DNA indicates human population shifts and admixture in northern and southern China. Ils ont séquencé le génome de 24 anciens individus de l'est de l'Asie datés entre 9500 et 300 ans. Ces échantillons se répartissent entre le nord de la Chine (Mongolie intérieure et Shandong) dans la région du cours inférieur du fleuve jaune (8 individus) et la province du Fujian au sud ainsi que deux îles du détroit de Taïwan (16 individus):

2020_Yang_Figure1A.jpg, mai 2020

Ces génomes ont été comparés à ceux d'autres anciennes populations de la région (petits symboles colorés dans la figure ci-dessous) comme les chasseurs-cueilleurs Hoabiniens du Laos et de Malaisie vieux de 8000 à 4000 ans, un ancien Jōmon du Japon daté de 3000 ans (Ikawazu), des fermiers Néolithiques du Viet-Nam et un ancien Paléolitique de Tianyuan vieux de 40.000 ans. Ils ont également été comparés à des populations contemporaines (en gris ci-dessous). Les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales:

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La figure ci-dessus montre que tous les anciens individus d'Asie de l'est se regroupent avec les populations actuelles de la même région, notamment les individus du Néolithique Ancien (Qihe, Liangdao) qui ont une morphologie crânienne archaïque. Ces résultats sont confirmés par les statistiques f3 et f4 qui montrent que tous les individus du Néolithique de cette étude sont plus proches génétiquement des populations actuelles de la région que des populations plus anciennes de chasseurs-cueilleurs (Hoabiniens, Tyanyuan, Jōmon). La PCA montre cependant que les anciens individu du sud de la Chine se regroupent avec les populations actuelles de la même région et que les anciens individus du nord de la Chine se regroupent avec les populations actuelles de la même région. Il y a donc une structure génétique importante en Asie de l'est présente dès le début du Néolithique. Les fermiers du Néolithique du sud de la Chine ont une forte affinité génétique entre eux mais aussi avec les populations actuelles de la région et des mélanésiens du Pacifique, et un ancien Austronésien vieux de 3000 ans. Ils en sont plus proche que des fermiers Néolithiques du nord de la Chine, quoique certains fermiers de la fin du Néolithique du sud de la Chine montrent une relation avec les anciens fermiers et les populations actuelles du nord de la Chine. Les anciens fermiers du Néolithique du nord de la Chine possèdent une ascendance présente chez les anciens Sibériens et Tibétains. De manière intéressante, l'échantillon de Yumin en Mongolie Intérieure se positionne sur la PCA entre les anciens individus du nord-est de la Chine et les anciens Tibétains.

L'analyse de la distance génétique montre que la différenciation génétique entre le nord et le sud de la Chine était plus importante au début du Néolithique qu'actuellement. L'utilisation de la statistique f4 et du logiciel qpAdm montre que la diminution de la différenciation génétique entre les populations nord et sud au cours du temps est liée à l'augmentation de l'ascendance du nord dans la région du sud de la Chine. Ces résultats suggère une migration importante de population venues du nord de la Chine vers le sud. Cette migration a commencé dès la fin du Néolithique. De plus tous les anciens individus de Chine, (sauf les Tibétains et les Sibériens éloignés de la côte) montrent plus d'affinité avec les anciens individus de Bianbian sur la côte qu'avec celui de Yumin dans l'intérieur des terres, suggérant ainsi une migration le long de la côte du Pacifique, à partir du cours inférieur du fleuve jaune.

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Les populations Austronésiennes se répartissent de Taïwan aux îles du Pacifique du sud-ouest et à Madagascar. D'après les preuves archéologiques, le sud de la Chine continentale a été proposé comme origine probable des populations proto-Austronésiennes qui sont entrées ensuite à Taïwan avant de se répandre plus loin. Les données de cette étude supportent cette hypothèse. En effet la PCA ci-dessus montre un gradient Austronésien qui prend sa source dans les anciennes populations côtières du sud de la Chine. Ces résultats sont confirmés par la statistique f4 et par l'arbre dessiné par le logiciel Treemix:. En effet dans la figure ci-dessous l'ancien Austronésien de Vanuatu se regroupe avec les fermiers de la fin du Néolithique du sud de la Chine:

2020_Yang_Figure2A.jpg, mai 2020

La plupart des fermiers du Néolithique du sud de la Chine peuvent être modélisés comme issus d'un mélange génétique entre les anciens chasseurs-cueilleurs Hoabiniens et une ancienne ascendance du sud-est Asiatique. De plus, une population du Viet-Nam datée de 4000 ans est très proche des fermiers du Néolithique Final d'Asie du sud-est. Un ancien Jōmon du Japon daté de 2700 ans montre une forte affinité génétique avec les populations Néolithiques côtières de la Sibérie, mais aussi du sud-est Asiatique. Ces résultats suggèrent que la région côtière de l'Asie a joué un grand rôle d'interaction entre les population durant la préhistoire.

Enfin, si la fin du Néolithique montre l'existence d'une ancienne migration de populations du nord vers le sud, l'analyse génétique des populations actuelles montre que l'ascendance du sud-est Asiatique se retrouve également dans les population du nord impliquant des mouvements de populations bidirectionnelles après le Néolithique.