Généalogie génétique

Les anciens pueblos créés par la culture ancestrale des Pueblos, un terme indiquant leur relation ancestrale avec les tribus amérindiennes contemporaines des Pueblos, comptent parmi les cultures archéologiques les plus reconnaissables d'Amérique du Nord. De nombreux pueblos anciens sont devenus le centre des parcs nationaux, des parcs historiques ou des monuments des États-Unis, et plusieurs sont devenus des sites du patrimoine mondial de l'UNESCO, notamment les « Grandes Maisons » à plusieurs étages concentrées dans le Chaco Canyon, dans le bassin du fleuve San Juan, sur le plateau du Colorado, dans le nord-ouest du Nouveau-Mexique, aux États-Unis. Les grandes maisons chacoennes ont été construites entre 850 et 1150 de notre ère et étaient au cœur d'un paysage rituel plus large de communautés agricoles dans le nord du sud-ouest des États-Unis. Chaco Canyon était le centre d'un vaste réseau politique et social de plus de 200 communautés de Grandes Maisons couvrant une région plus grande que l'Angleterre actuelle. Cependant, après environ 1150 de notre ère, les grandes constructions ont cessé dans le Chaco Canyon et la région a été largement dépeuplée pour des raisons encore débattues, notamment la sécheresse, la surexploitation des ressources écologiques disponibles ou des terres arables, l'effondrement des systèmes d'échange et de croyances régionaux ou une combinaison de ces facteurs. La région du nord du Rio Grande (NRG) est une zone qui a suscité un intérêt considérable en raison de ses liens avec le Chaco Canyon. Datant d'environ 900 ap. JC., les premiers centres pueblos du nord du Rio Grande étaient contemporains du Chaco primitif, tandis que les pueblos archéologiques, historiques et modernes, tels que Picuris, témoignent de la continuité culturelle depuis le dépeuplement du Chaco. Alors que les traditions orales des Pueblos actuels et de nombreuses preuves scientifiques soutiennent un certain niveau de relation entre les habitants du Chaco Canyon et le nord du Rio Grande, la nature et la profondeur de la relation entre ces deux régions éloignées sont débattues. Les gardiens du savoir traditionnel de Picuris Pueblo affirment des liens ancestraux et culturels avec de nombreux sites culturels ancestraux Pueblo et Chaco dans le bassin de San Juan. Les spécificités de ces relations ne peuvent être discutées en dehors des contextes traditionnels des Picuris, mais incluent des motifs architecturaux, un chevauchement entre leurs pistes et le système de routes du Chaco, qui relient les Picuris actuels au bassin de San Juan, et des symboles religieux partagés trouvés dans la culture matérielle (comme la poterie et les figurines sacrées). Cependant, ils reconnaissent également des incertitudes liées aux lacunes de leur histoire orale. De telles lacunes sont inévitables pour une communauté multiséculaire qui, selon nos estimations, a perdu au moins 85 % de ses membres au cours des premières décennies suivant le contact avec les Européens. En 1700, la communauté s'était réduite à environ 300 membres, ce qui en faisait la plus petite des nations pueblos existantes. De plus, des siècles d'oppression et d'interdiction de la religion et des rituels des Picuris, la perte d'accès aux paysages traditionnels et sacrés, et le placement des enfants Picuris dans des pensionnats amérindiens ont entravé la transmission intergénérationnelle des connaissances culturelles et de l'histoire à Picuris. Cumulés, ces facteurs ont souvent limité la voix des Picuris dans les discussions continues concernant le statut et l'avenir du Chaco Canyon. La communauté Picuris a lancé cette recherche afin de combler les lacunes de ses connaissances traditionnelles grâce à des données scientifiques appropriées, et d'examiner dans quelle mesure elle pourrait avoir des liens ancestraux avec le Chaco Canyon et le système régional qu'il ancrait il y a des siècles:



Selon la tradition orale, les Picuris font remonter leurs origines à un royaume souterrain habité par Pá à wíá è Páyó, le Créateur, et d'autres peuples. La communauté est divisée en deux moitiés (les peuples du « Nord » et du « Sud »), dont les lieux de naissance sont distincts dans les récits oraux des Picuris. Ces peuples furent envoyés vers le monde actuel, à la surface, par le Créateur, certains sur les nuages, d'autres par voie maritime. Les premiers peuples surgirent des lacs près de hautes montagnes blanches. L'un de ces lacs, appelé Phaxwii Oxwalna, serait le lac du Serpent, près du pic Jicarita, une montagne aux neiges éternelles. Elle est située au sud de Picuris et, à juste titre, est le lieu d'origine du peuple du « Sud ». La correspondance géographique avec le lieu d'émergence du peuple du « Nord » est moins claire, certaines traditions l'identifiant à une source près de Pikes Peak, dans le Colorado. Après avoir migré à travers le paysage pendant une durée indéterminée, ces peuples se sont installés aux pueblos Picuris et Taos, ainsi qu'au pueblo Pot Creek, situé entre les deux. Les estimations archéologiques situent la fondation de ces communautés vers 900 ap. JC. Bien que le pueblo Pot Creek ait été dépeuplé vers 1320 ap. JC., les communautés de Picuris et de Taos, qui parlent des langues étroitement apparentées, ne l'étaient pas et comptent parmi les plus anciennes communautés continuellement occupées des Amériques.

Thomaz Pinotti et ses collègues viennent de publier un papier intitulé: Picuris Pueblo oral history and genomics reveal continuity in US Southwest. Ils ont analysé le génome de 16 anciens individus enterrés au pueblo Picuris datés de 700 à 500 ans, ainsi que de 13 individus actuels du pueblo Picuris. Pour comparer ces génomes à d'autres génomes anciens ou contemporains Amérindiens, les auteurs ont réalisé une Analyse en Composantes Principales. Il y a notamment les génomes des anciens individus de pueblo Bonito situé dans le Chaco Canyon, publiés dans une étude précédente. Dans la figure ci-dessous les génomes des anciens Picuris sont représentés par des symboles rouge foncé alors que ceux des Picuris contemporains sont représentés par des symboles orange. Ceux de pueblo Bonito sont représentés par des symboles rouge clair. La figure ci-dessous montre que les anciens Picuris se regroupent avec les Picuris contemporains et que l'ensemble de ceux-ci sont le plus proche génétiquement des anciens individus de pueblo Bonito:



Ces résultats sont notamment confirmés par les haplogroupes mitochondriaux puisque tous les anciens individus de pueblo Bonito appartenaient à l'haplogroupe rare: B2y1, et qu'un individu actuel de Picuris appartient également à cet haplogroupe:



Les auteurs n'ont pas mis en évidence de déclin de la population de la culture des Grandes Maisons du Chaco avant l'arrivée des européens. La population du pueblo Picuris est estimée à environ 3000 personnes avant l'arrivée des européens et celle de la région du nord Tiwa qui englobe le pueblo Picuris à environ 10.000 personnes entre 1300 et 1350 de notre ère.

Les auteurs ont ensuite investigué un éventuel flux de gènes de populations Athabaskanes dans les populations Picuris. Les Athabaskans ont occupé l'Alaska et l'ouest du Canada dont deux peuplades qui se sont installées le long des côtes du Pacifique en Oregon du sud et au nord de la Californie, et dans le sud-ouest Américain. Ainsi une migration du nord vers le sud est attestée chez certains Athabaskans dans leur tradition orale, mais aussi par les scientifiques. Cependant, son calendrier, ses causes, sa ou ses populations sources et ses itinéraires, ainsi que ses dates d'arrivée dans ces régions font l'objet de débats universitaires de longue date. La plus ancienne preuve archéologique de la présence des Athabaskans dans le sud-ouest est un site Navajo situé au nord-ouest du Nouveau Mexique daté de 1541 ap. JC. à partir de dendrochronologie. Cette date est compatible avec les anciens écrits qui indiquent la présence des Apaches parlant une langue Athabaskane dans la région. Cependant les auteurs n'ont trouvé aucune trace d'ascendance Athabaskane chez les anciens Picuris. Ils en ont trouvé uniquement chez les Picuris actuels. Ces résultats suggèrent l'arrivée des populations Athabaskanes dans la région après 1500 ap. JC.